Lorsque l’on retourne l’album "A banda tropicalista" de Rogério Duprat, il y a une photo où on le voit prendre la pose debout sur son bureau. Je ne sais pas pour vous mais pour moi, il évoque immanquablement Superman.
Les mains sur les hanches, le regard d’un homme qui sait le poids de sa mission, manque juste la cape claquant au vent… Et c’est vrai que dans son genre, c’est un peu Superman, Rogério, au moins l'équivalent d’un George Martin.
Arrangeur de génie, formé aux suites pour violoncelle de Jean Sébastien Bach mais les oreilles ouvertes à la modernité de Webern et aux expérimentations de Stockhausen, Duprat était l’arrangeur attitré des albums tropicalistes, en particulier ceux d’Os Mutantes* et de Gilberto Gil.
En 1968, il sort un album sous son propre nom. Pour celui ci, il ne composera pas mais livrera sa vision de certains standards : "Judy in disguise", "Chega de saudade" et tutti quanti. Chico Buarque, Jobim, Gilberto Gil et Caetono Veloso, évidemment sont aussi au répertoire. Et par conséquent les Beatles : un "Flying" éthéré et "Lady Madonna" que personne ne sauvera jamais. On y trouve aussi une version vraiment géniale de "The rain, the park and other things" que jouaient les Cowsills mais un peu dénudée, moins grandiloquente : un bonheur.
Alors bien sûr, certains n'y verront qu’un album de easy listening alors que c’est un album vraiment attachant, un chouette compagnon qui à chaque écoute prend un peu plus de consistance. Tout en volant haut, très haut, comme…Superman.
*Duprat travaillera une dernière fois avec Os Mutantes sur leur "Jardim elétrico" sorti en 1971, mais enregistré la même année que "A divina comédia ou ando meio desligado". Si vous aimez les Mutants et les pochettes horriblissimes, il vous faut cet album, bien supérieur à "Mutantes" et au moins aussi bon que "A divina comédia".
Chris do Brazil
The Rain, the Park, and Other Things
Flying