"Psychedelic Samba"
On conçoit mal en 2006 quel a pu être l'impact de St Pepper's Lonely Hearts Club Band en 1967 sur la pop music et la jeunesse de l'époque. Cet album a été religieusement écouté, réécouté par toute une génération. Chacun de ses sons, de ses mots a été disséqué, analysé, d'un Brian Wilson qui y voit une indépassable acmé, mettant un sérieux coup d'arrêt à ses rêves de symphonie pop jusqu'à cette pléthore de groupes qui vont se jeter à corps perdu dans les voies qu'il ouvre.
C'est ainsi qu'un groupe brésilien Os Mutantes -déjà rompu aux expérimentations de Stockhausen et aux premières guitares électriques ramenées par Roberto Carlos- va sortir un album, exact pendant de Sergent Pepper sous le soleil des tropiques. Guitares fuzz, structures complexes, profusion instrumentale, bruitages divers, bizarreries électroniques, le tout laissant une impression rarement rencontrée ailleurs: celle d'un joyeux bordel où tout semble accidentel mais tout en étant d'une virtuosité non feinte. De "Panis et circenses" avec sa seconde partie trépidante, égayée par la trompette et ses bris de verre sur fond de musique symphonique au tube "Baby" en passant par "A minha menina" et sa guitare fuzz sans oublier l'orgue de "Ave, Gengis Khan", "Os Mutantes" marie bossa nova et pop west coast, yéyé et musique concrète, samba et psychédélisme. Comme le disent eux-mêmes Rita Lee, Arnaldo et Sérgio Batista, "tudo es possivel".
L'album et les prestations du groupe seront très mal accueillis par une jeunesse peu habituée à un tel irrespect des traditions musicales et aux guitares électriques, sous le joug d'un régime paramilitaire -qui contraindra en 1969 Gilberto Gil et Caetono Veloso, proches des Mutants à l'exil dans les brumes londoniennes.
Os Mutantes enregistreront deux autres albums dans le même esprit et édulcoreront ce qui faisait leur charme en réenregistrant en 1970 leurs meilleures chansons en anglais sur l'album « Technicolor », bien pâlichon en comparaison de leurs exploits passés.
Chris Do Brazil
Panis et Circenses
Ave, Gengis Khan